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A propos de la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions 

La suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions nous livre pieds et poings liés au bon vouloir de Paris dans certains domaines. Qu’en est-il pour notre langue régionale l’alsacien dont la forme standard et littéraire est aussi la langue de nos voisins ou cousins européens suisses alémaniques, luxembourgeois, autrichiens, Sud tyroliens d’Italie, mosellans germanophones, danois  ou néerlandais proches de la frontière allemande, belges germanophones (etc..) ?

En effet, à l’occasion du vote de la loi n°2015-991 du 7 août 2015 fixant la nouvelle organisation territoriale du pays, les députés ont supprimé la clause de compétence générale des départements et des régions… que les mêmes avaient pourtant rétabli dans la loi MAPTAM du 27.1.2014 qui portait sur la « modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles ». Selon certaines interprétations, nos départements alsaciens et la méga-région « Grand Est » se retrouveraient donc dans la difficulté pour aider (on peut toujours rêver) au financement des écoles bilingues et, plus généralement, du bilinguisme en Alsace ? A priori, la situation semble donc juridiquement bloquée. En réalité, à en croire des juristes avertis, il n’en est rien.

En effet, d’après les dispositions contenues dans la nouvelle loi 7 août 2015 (art. 14 portant sur la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'Etat), les compétences en matière de « culture, de sport, de tourisme, de promotion des langues régionales et d'éducation populaire » sont bien partagées entre l’Etat, les communes, les départements, les régions et les collectivités à statut particulier.

Du coup, certains mettent en avant le problème de l’allemand standard auquel ils cherchent à dénier le statut de langue régionale (ce qui reviendrait à exclure l’allemand du champ d’application de la loi sur les langues régionales). Or il existe, particulièrement dans le domaine de l’enseignement, une définition réglementaire très précise publiée à diverses reprises au BOEN (2003, 2007 et 2008) qui écarte tout risque sérieux à cet égard. 

Par ailleurs, départements et région disposent également d’un petit volant d’action pour agir dans des domaines qui ne sont pas de leurs compétences pour des raisons de « solidarité territoriale et lorsque l’initiative privée est défaillante ou absente ». Mais cette formulation est entachée d'un certain flou qui permet toutes les interprétations.

Il demeure aussi que, contrairement au reste du pays où, au-delà des financements sous contrat simple et sous contrat d’association prévus par la loi Debré de 1959, seules des aides à l'investissement  sont possibles et limitées à 10% du budget de l'école privée par la loi Falloux (qui ne s’applique pas en Alsace/Moselle sous cet aspect), le versement de subventions de fonctionnement aux écoles privées, sous et hors contrat, est autorisé en Alsace/Moselle. 

En bref, le développement de l’enseignement bilingue, que ce soit dans les écoles associatives, confessionnelles ou publiques, ne devrait donc pas rencontrer d’obstacle juridique sérieux en Alsace /Moselle de la part des collectivités : Région, Départements, communes. Ce n’est qu’une question de réelle volonté et de choix politiques assumés  à l’intérieur d’enveloppes budgétaires plus contraintes. Et c’est là que se trouve le vrai problème ! 

Bernard Wittmann – 29.6.2016