L’affaire catalane appelle quelques réflexions :

1/ « La nation, c’est la volonté de vivre ensemble » (E. Renan)

Pour Ernest Renan, la référence incontournable des républicanistes, c’est le « consensus » qui fonde les vraies nations, « c’est la volonté de vivre ensemble » ; la nation est un principe spirituel, « c’est un plébiscite de tous les jours » (In Qu’est-ce qu’une nation, 1882). Ces considérations s’appliquent notamment aux Etats ethniquement composites comme la France ou l’Espagne.

Or, comme c’est le cas en Catalogne, dès lors que ce « consensus », cette « volonté de vivre ensemble », n’existent plus, une procédure de sortie doit être envisagée !

Le « droit de divorcer » doit être reconnu à toutes les composantes constitutives de l’Etat qui, à un moment donné de l’histoire, se sont retrouvées amalgamés, souvent par la violence du plus fort, en « nation ». L’autodétermination n’est autre chose qu’un « droit à la sortie » !

Si le droit de divorcer est reconnu aux couples, de la même manière il ne peut être refusé aux peuples. Et si l’Etat, comme c’est le cas de l’Espagne, refuse ce droit à une minorité, il devient de facto une prison pour les peuples !

 

2/ Pour bien comprendre la duplicité de la France qui aujourd’hui soutient Madrid dans son refus d’accorder le droit à l’autodétermination des Catalans, il suffit de se remémorer l’épisode du référendum d’indépendance du Québec en 1995. La France soutenait alors de tout son poids les indépendantistes Québécois. Partout, la diplomatie française s’activait pour expliquer que le droit à l’indépendance était un droit intangible, un droit sacré ! Le président français Jacques Chirac était d’ailleurs persuadé que les indépendantistes francophones du Québec allaient l’emporter. En cas de victoire du oui,  Jacques Chirac disposait déjà d'une réponse toute prête : « La souveraineté du Québec est un état de fait qui ne demande désormais qu'un habillage juridique ». Cette déclaration est restée dans un tiroir après l’échec du oui. (http://www.huffingtonpost.fr/frederic-pennel/3-raisons-pour-lesquelles-lindependance-du-quebec-nest-toujour_a_23045057/).

On le voit ici, le droit à l’indépendance dénié aux Catalans par Madrid appuyée en cela par Paris est pourtant reconnu, voire même porté aux nues, par la France dès lors qu’il s’agit de minorités francophones.

Citons un autre exemple de ce double langage de la France. Dans les années 1970, quand les jurassiens suisses francophones décident de faire sécession pour créer leur propre canton en se fondant sur le droit à l’autodétermination, la France soutient le mouvement « Jura libre »… y compris financièrement (ce qui exaspéra Bern).

A Paris, on exulta quand le référendum accordé par Bern donna l’avantage aux séparatistes, avec pour conséquence la création d’un nouveau canton francophone, celui du Jura (1.1.1979).

 

3/ Daniel Cohn-Bendit clame sur tous les micros que l’indépendance de la Catalogne est impossible, qu’elle mènerait à une « nouvelle guerre en Espagne » et que son entrée dans l’Europe serait irréalisable ! Pour finir, il envoie tout le monde dos à dos : « Rajoy est fou et les indépendantistes catalans sont fous », a-t-il déclaré au micro de France Inter le 1.10.2017. Or, le même, en juillet 2017, préconisait pourtant l’entrée de la province francophone du Québec dans l’Union Européenne : « L’indépendance du Québec passe par l’adhésion à l’Union Européenne », a-t-il affirmé. (http://www.huffingtonpost.fr/2017/07/18/pour-daniel-cohn-bendit-le-quebec-devrait-entrer-dans-leurope_a_23035199/?utm_hp_ref=fr-quebec).

Donc, pour Daniel Cohn-Bendit, si l’entrée dans l’UE de la province canadienne du Québec ne poserait pas de problème, en revanche, elle serait impossible pour un Etat européen comme la Catalogne indépendante ! Aucune cohérence !!

 

4/ Après le refus de Bruxelles d’exercer une quelconque médiation dans la crise catalane et sa condamnation de l’indépendantisme catalan - alors qu’elle soutint la sécession du Kosovo en 2008 -, elle ne pourra plus jouir d’aucune crédibilité dans le monde quand elle prétendra vouloir défendre la liberté, les valeurs démocratiques et le droit à l’autodétermination des peuples. Déjà le 2.10.2017, le président de la Serbie Aleksander Vucic a dénoncé à la télévision serbe « l’hypocrisie » et le « deux poids deux mesures » de l’UE : « Comment se fait-il que, dans le cas de la Catalogne, le référendum d'indépendance ne soit pas valide, mais qu'à ses yeux la sécession du Kosovo, pourtant organisée sans référendum, le soit ?», s'est-il interrogé (1).

 

Bernard Wittmann – 7.10.2017

(1) https://francais.rt.com/international/44102-catalogne-kosovo-serbie-denonce-hypocrisie-occident