Logo bretzel A-Cœur : histoire d’une embrouille

 

Pendant les grandes manifestations contre la fusion (2014-2015-2016), notre drapeau rot un wiss, couleurs historiques emblématiques de l’Alsace, flottait en maître absolu au-dessus de tous les cortèges avec parfois, de-ci de-là, un blason représentant les Landgraviats de Haute et Basse Alsace. Le bretzel A-Cœur était alors absolument inexistant !

 

 

1/ Manifestation contre la fusion à Colmar. Klinkert au premier rang devant les rot un wiss (Photo L’Alsace).

2/ Manifestation du 11.10.2014 à Strasbourg pl. de Bordeaux. Aucun bretzel à l’horizon !


Le Rot un Wiss, étendard historique de l’Alsace, s’imposait donc tout naturellement à la CeA comme marqueur identitaire. Or, voilà qu’en septembre 2020, le couple Klinkert/Bierry sort subitement de son chapeau un autre marqueur : le bretzel A-Coeur, lancé en 2010 dans une démarche marketing pour doter l’Alsace d’un logo commercial afin de promouvoir ses produits et son tourisme. Rien à voir avec un étendard. 

Une « consultation » est alors organisée via internet : comme marqueur identitaire de l’Alsace, le choix est alors offert aux Alsaciens entre le logo commercial bretzel et nos deux marqueurs historiques : le blason et le Rot un Wiss. Qui a décidé du choix de ces 3 emblèmes ? Mystère. De toute façon, les dés sont pipés : la consultation est organisée dans la plus grande opacité, sans aucune sécurité ou débat préalable pour fixer les enjeux. Une vraie tartuferie ! 

A l’issue de ce bidouillage digne d’une république bananière, le 3 novembre 2020, les résultats portant sur les 58 000 votants sont publiés : à la surprise générale, le bretzel arrive en tête avec 43% des voix, 57% s’étant répartis entre le blason et le rot un wiss. Malgré le stratagème déployé, le bretzel n’a donc pas obtenu la majorité absolue ! Qu’importe, c’est lui que le couple retiendra… puisque c’était décidé par avance : 25 000 suffrages, sur 1,9 millions d’habitants, soit 1,32% de la population, suffiront pour lui donner un voile de légitimité. « Le peuple a choisi ! », proclame hypocritement et triomphalement le couple bidépartemental !

 

 

L’urne marquée du logo A-Coeur est dans un cadre totalement « bretzelisé » : une mascarade !

 

Sans perdre de temps, afin d’éviter qu’un débat ne s’installe, une assemblée plénière du CD68 est convoquée à Colmar pour le vendredi 20 novembre, notre Vendredi Noir. À l’unanimité, comme dans l’ex-URSS, celle-ci vote le bretzel comme identifiant devant figurer sur nos plaques d’immatriculation.

Par ce tour de passe-passe, le blason et le Rot un Wiss historiques passent tout simplement à la trappe, au profit du marqueur commercial… comme si l’Alsace était un produit à vendre (exactement comme si le crocodile Lacoste ou le logo Chanel devenaient des emblèmes d’États). Les communicants l’ont emporté sur le peuple et sur l’Histoire, c’est eux qui, à l’évidence, ont pris le pouvoir dans nos assemblées.

Entre temps, toute l’Alsace est littéralement couverte de bretzels A-Cœur ! Un budget faramineux est consacré à l’opération. A présent, impossible d’échapper au bretzel !

Après ce forcing haut-rhinois, y aura-t-il un sursaut de bon sens et de démocratie du côté des actuels élus bas-rhinois, qui auront la majorité dans la future CeA ? Si nos élus du CD67 ne se réveillent pas d’urgence, il semble bien que le bretzel finisse par nous être imposé pour de bon. Une honte intégrale pour les Alsaciens qui risquent d'être la risée de tout l'Hexagone car, être identifié à une pâtisserie salée en forme de nœud, n'est évidemment pas gratifiant ! 

Mauvaise augure : depuis quelques temps, sur la façade du bâtiment du Conseil Départemental à Strasbourg, on peut voir affiché un immense bretzel A-Cœur, mais cette fois, non en rouge et blanc, mais aux couleurs tricolores : bleu, blanc, rouge. Car c’est évidemment là qu’ils voulaient en venir : Hansi n'est pas mort ! Nous aurons donc une collectivité « européenne » aux « couleurs tricolores ». Voici pour la cohérence. Le chauvinisme nationaliste est allé se nicher là où on ne l’attendait pas.

On peut d’ailleurs se demander par quel tour de passe-passe le bleu, avec les trois minuscules étoiles pour créer l’illusion d’une touche européenne, s’est retrouvé intégré au A-Cœur initialement rouge et blanc. Qui a pris cette décision et l’ADIRA est-elle d’accord avec ce dévoiement ?

Signalons qu’au passage, on en a aussi profité pour gommer le nom « Elsass » pour ne laisser la place qu’au seul « Alsace » ! Voilà pour le bilinguisme que la CeA dit vouloir promouvoir.

 

Le logo nouvelle version sur la façade du siège du CD67 à Strasbourg

 

Mais il y a plus grave : ce logo bretzel A-Coeur a été mis en place sur la façade du CD67 sans même que les élus n'aient donné leur aval. Tout a été décidé en catimini au sommet, sans aucun débat, sans aucune consultation et au mépris des règles les plus élémentaires de la démocratie. Nos élus n'ont-ils pas leur mot à dire ? Sont-ce de simples figurants, de simples godillots ? Une chose est pourtant sûre : on prend les Alsaciens pour des imbéciles qu'on méprise. Tout est décidé par-dessus nos têtes.

                
                   

Bretzel rouge et blanc soumis à la consultation

 

 

Surprise : abracadabra, le logo finalement retenu est tricolore !

Autre point d'achoppement. La CeA se verra affublée d'un logo conçu à Paris comme un marqueur alimentaire qui par-dessus le marché ne lui appartiendra même pas, puisqu'il est la propriété du Grand Est... dont les Alsaciens veulent pourtant sortir à 83% ! La CeA n'aura donc même pas la maîtrise de sa propre image. Une faute monumentale ! En définitive, c'est l'Adira - et elle seule ! - qui pourra toujours décider de qui va pouvoir utiliser le bretzel A-Coeur ! Avec ce logo, le Grand-Est continuera à nous tenir en laisse ! Et qui nous garantit que le Grand Est ne nous fera pas payer un jour la licence pour l’usage du logo (alors que le Rot un Wiss historique est du domaine public et donc gratuit)?

A cela vient s'ajouter que la « Convention de partenariat » (signée le 29.9.2014) liant les commerçants partenaires à l’ADIRA à travers l'Agence d'Attractivité de l'Alsace, née en mars 2014, stipule expressément dans son article 4 : « Il est interdit d'utiliser le symbole de la Marque Alsace à des fins politiques, idéologiques ou religieuses » ! Mais la CeA n'est-elle pas une institution politique par essence ? Ne met-elle pas en oeuvre des options politiques ? Nos élus ont-ils seulement pensé à cela ? Le logo qu’on veut nous imposer serait ainsi proscrit des campagnes électorales, des événements à caractère politique et des manifestations. Et qui décidera alors du bon usage du logo ? L’Adira ? On le voit, juridiquement ce montage abracadabrantesque ne tient pas, n'importe quel avocat pourra démontrer facilement que la CeA est une institution politique. A moins que nos élus ne renoncent à leur mission politique pour se contenter de jouer les représentants commerciaux… 

Et puis, si tous les automobilistes alsaciens sont contraints d'afficher le logo de la Marque Alsace sur leur voiture, lui faisant ainsi une belle publicité, ne sont-ils pas en droit de réclamer des royalties à la CeA, plus exactement au Grand-Est ? Cette question aurait dû être débattue sérieusement en amont. 

On le voit, cette histoire du bretzel A-Cœur est loin d'être finie. Elle ne fait même que commencer. Pour lancer la CeA et susciter l'adhésion des Alsaciens, nos élus auraient pu se passer de cet épisode grand-guignolesque qui risque de polluer les débats à venir. Pourquoi cette honte et cette peur d’afficher les couleurs de l’Alsace, qui font notre identité et appartiennent à tous les Alsaciens sans restriction aucune ? Warum ? Wozu ?

Bernard Wittmann 

 

(La reproduction ou la traduction du présent article sont autorisées à condition que soit mentionnée la source : www.wittmann-bernard.comm)


Histoire de bretzel

Dans le monde germanique, les boulangeries ont souvent pour enseigne un bretzel. Ce fut jadis aussi le cas en Alsace. Ci-après un linteau de porte, daté de 1672, d’une ancienne demeure de boulanger à Riquewihr. Avec le bretzel A-Coeur, l’Alsace risque donc fort d'être assimilée à une immense boulangerie. On ne dira donc plus les Grand-Estiens... mais les Boulangers ! B.W.

 

Demeure de boulanger à Riquewihr (linteau daté de 1672)

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