De la rue des Souabes, à la rue… des Zouaves

Le président Macron vient de déclarer récemment, qu’il entendait favoriser la multiplication de noms de rues reflétant la diversité. Bon, pourquoi pas. Mais pour commencer, ne pourrait-on pas déjà revoir ceux en place et qui n’ont plus lieu d’être. Citons en exemple chez nous, les rues Turenne à Strasbourg et à Colmar honorant un criminel de guerre, à Strasbourg, la rue de l’abbé Wetterlé à la mémoire d’un raciste antiboche, ou encore, à Strasbourg et à Barr, les rues dédiées à deux épurateurs ethniques de 1918, les généraux Gouraud et Vandenberg, qui se sont également illustrés dans les guerres coloniales en Afrique et au Tonkin. À Colmar, il y a aussi la rue du général Edouard de Castelnau, gouverneur militaire de la ville en 1918, qui faisait partie de la Ligue des Patriotes, antisémite et xénophobe (il en deviendra le président).  Enfin, depuis 1919, il y a à Strasbourg un boulevard Paul Déroulède, un ultra nationaliste français va-t-en-guerre et antisémite, une artère située de plus en plein quartier juif ! La rue s’appelait jadis « Muehrgiessenweg », soit « chemin du fossé du bras mort » (1858).

En Alsace, et notamment à Strasbourg, il reste également à revoir les traductions fallacieuses, parfois totalement fantaisistes, de nos anciennes rues et places dont les noms étaient incompréhensibles aux « francilisateurs » de tous poils. À quand une « place de la Bonne Montagne », dénomination éminemment plus conforme à l'Alsace française que « Gutenberg » ? Citons juste quelques cas connus.

Ainsi, la « rue des Veaux » est en fait la traduction en français de « Kalbs-Gasse », du nom d’une famille patricienne qui habitait dans cette rue, la famille Kalb !

  

En 1918, la « Seelosgasse », du nom d’une célèbre famille de jardiniers du XIIIe siècle, les Seelos, a été traduite par… « rue Déserte ».

 

La « rue des Zouaves » est une mauvaise traduction de Souabes : elle s’appelait jadis la « rue des Souabes » (d’Schwowegass).

  

Pour finir, citons l’« impasse des Craquelins », une mauvaise traduction de Bretzel. En effet, cette impasse s’appelait autrefois « Am Brettstelle Eck », qu’on pourrait traduire en français (trivial) par « Le coin à putes », Bretschtel (ou Brettstel) pouvant signifier prostituée dans le langage populaire alsacien. La raison de ce dévoiement est probablement à chercher dans les fantasmes populaires où le bretzel, en raison de sa forme arrondie, était censé symboliser le postérieur. Ainsi, au XVIIe siècle, pour marquer leur opposition à l’annexion française, les Alsaciennes montraient leur postérieur à chaque fois que les Français passaient devant leur maison. Ces démonstrations d’hostilité étant ensuite sévèrement réprimées, elles choisirent de leur offrir narquoisement des bretzels[1]. Ces jeunes filles étaient alors peut-être craquantes, mais on reste quand même loin des craquelins !! L’explication historique de la présence de prostituées à cet endroit est la suivante : la Krutenau était anciennement un quartier très populaire fréquenté par de nombreux militaires de l’arsenal ou de la citadelle. La présence des soldats favorisa l’implantation de troquets dans le quartier et attira de nombreuses prostituées. 

Heureusement le rétablissement des anciens noms en dialecte de nos rues, qui est en cours, permettra de les replacer dans leur cadre historique originel facilitant ainsi une meilleure compréhension de notre passé strasbourgeois. 

B.Wittmann - 21.3.2021

[1] Pierre Ederlé, Le mensonge, éd. Do Bentzinger, 2012, p.19.

Karl ROOS : un Dreyfus alsacien qui n’a pas trouvé son Zola ?

 

C’était il y a 80 ans. Le 7 février 1940, à l’issue d’une parodie de procès en séances secrètes devant un tribunal militaire, le leader autonomiste Karl Roos était fusillé à Champigneulles près de Nancy.   

 

Dr Karl Roos

 

Figure emblématique du mouvement autonomiste alsacien de l’entre-deux-guerres, Karl Roos est né le 7 septembre 1878 à Surburg (Surbourg) où son père était instituteur. Après avoir fréquenté le collège épiscopal de Straßburg, il passe son Abitur (1897), puis continue ses études aux universités de Freiburg et de Straßburg, où il décroche le titre de docteur. Sa thèse traite des termes étrangers dans le dialecte alsacien. Il professe ensuite à Barr, Markirch (Sainte Marie-aux-Mines), Bochum et Köln où il traduit, à des fins scolaires,La mare au diable de Georges Sand. Incorporé comme volontaire en 1914, il termine la guerre avec le grade de lieutenant. En 1918, il ne se montre nullement antifrançais. De 1924 à 1926, il est inspecteur des Études françaises dans les Écoles des Mines domaniales de la Sarre. 

 

L’Alsace se rebiffe

Après novembre 1918, il est profondément choqué par l’expulsion des Alt-Deutsche, le nationalisme arrogant des Français, les injustices et la politique de mise au pas. Imprégné de l’esprit d’autonomie du Reichsland, opposé à la politique d’assimilation, il rejoint les Heimatrechtler et sera de toutes leurs luttes : création de la Zukunft (1925), de la Volkstimme (1926). Il est signataire du manifeste du Heimatbund (1926) dont il devient le secrétaire général en mai 1927 après la démission de Jean Keppi. En novembre 1927, il co-fonde la Landespartei, qui réclame le droit pour les Alsaciens de disposer d’eux-mêmes, et en prend la direction. Ce parti résolument fédéraliste, sacralise la langue allemande, « l’âme du peuple », et le Volkstumalsacien. Il se donne la double mission d’être le fer de lance du mouvement autonomiste et d’incarner la « conscience nationale alsacienne ».

Le mécontentement allant grandissant, Paris réagit et accuse les autonomistes de fomenter un complot contre la sûreté de l’État. Entre novembre 1927 et mars 1928, leur presse est interdite et leurs principaux responsables emprisonnés. Karl Roos, en tournée de conférences en Suisse, échappe à l’arrestation. Suit le célèbre Komplott-prozess de Colmar de mai 1928 qui se termine par un flop judiciaire. Roos est jugé par contumace le 12.6.1928 et condamné à 15 ans de détention et 20 ans d’interdiction de séjour. Mais le 8 novembre 1928, il revient à Strasbourg au nez et à la barbe de la police et, le jour suivant, tient un grand meeting au Sängerhüss. Dès lors, il sera en butte à l’animosité de la police, qu’il vient de ridiculiser. 

S’étant constitué prisonnier, en juin 1929, il est rejugé à Besançon et acquitté. Le 1.1.1930, avec Paul Schall et René Hauss, il fonde le quotidien ELZ - Elsass-Lothringische Zeitung. Populaire et charismatique, il enchaîne les succès. Élu au conseil municipal de Strasbourg en mai 1929, alors même qu’il est en prison à Besançon, il renonce au poste de maire qu’on lui propose (Il sera réélu au conseil de la ville en 1935). En 1931, il entre au conseil général du Bas-Rhin et en devient le vice-président. Il siège également au conseil d’administration des Hospices civils.

En automne 1937, pour lutter contre la déculturation scolaire, il crée l’Elsässisches Volksbildungsverein. Il veut alors se mettre un peu en retrait de la vie politique pour se consacrer pleinement à la défense de la langue, sa vraie passion. Mais pour les « nationaux », il continue d’incarner la ligne d’un autonomisme sans concession. 

 

Paris frappe un grand coup

A partir de 1933/1934, avec la montée des tensions nationalistes, le lynchage médiatique des autonomistes reprend : on les traite d’« irrédentistes » et d’« agents de l’Allemagne ». Paris songe aux moyens législatifs pour neutraliser leurs chefs dont Karl Roos. La guerre qui pointe lui en fournit l’occasion. Un décret-loi du 17.6.1938 (complété par celui du 29.7.1939) permet de punir de mort de simples suspects d’espionnage, à charge pour eux de prouver leur innocence, ce qui est quasi impossible. Une campagne journalistico-policière est lancée pointant les autonomistes comme la cinquième colonne de l’Allemagne. De février à novembre 1939, perquisitions et arrestations des chefs autonomistes se succèdent. Les associations et la presse autonomistes sont interdites.

Dès le 4 février 1939, Roos est arrêté sous l’accusation d’espionnage portée par son chauffeur Julien Marco, un personnage trouble. Après une série d’interrogatoires orientés pour permettre l’application du décret-loi du 17.6.1938, il est transféré à la prison militaire de Nancy. Son dossier n’est instruit qu’à charge !

Que Roos, chef politique parmi les plus exposés d’Alsace, ait pu être employé par les Allemands pour des opérations de renseignements, est absolument invraisemblable !

Le Tribunal Militaire de Nancy est pourtant chargé de le juger… en sessions secrètes. 

 

Roos est présumé coupable !

Les droits de la défense étant constamment violés, son procès confine au traquenard judiciaire. Il marque la collusion entre le gouvernement, la justice et l’armée : un seul défenseur sur les trois prévus est présent au procès, Me Berthon, qui est communiste alors que le Parti communiste vient d’être interdit ; les témoins à décharge demandés ne sont pas cités ; un seul homme politique, le conseiller général Gromer, peut venir témoigner en sa faveur ; les témoins à charge sont essentiellement les policiers, etc.

Hormis les déclarations accusatrices de Marco, qui s’avèra être un agent double manipulé par la police[1], le tribunal ne disposait d’aucun élément sérieux pour prouver que Roos avait espionné.

 

Les deux principales accusations

Dès décembre 1938, la police avait arrêté le faible Marco, dont elle savait qu’il était en relation avec le chef de la Gestapo de Kehl, Julius Gehrum. Avec lui, elle tenait le précieux fil qui allait lui permettre, le moment venu, de lier opportunément Roos à une procédure d’espionnage pour le faire tomber. Ce qui arriva. Placé devant le choix de passer devant un peloton d’exécution ou de permettre, par des témoignages appropriés, l’exécution de Roos, Marco accepta de charger son ancien patron. Il déclara avoir transmis des renseignements militaires aux Allemands sur son ordre, ce que Roos, qui ignorait les activités souterraines de son chauffeur, nia toujours fermement. D’ailleurs, d’après Stürmel, en juin 1940 et à deux reprises, face aux autres détenus alsaciens emprisonnés, Marco reconnaîtra avoir fait un faux témoignage.

La police exhiba également une photo prétendument de Roos en uniforme officiel des bourgmestres allemands, présenté comme étant celui de la S.A, et saluant, le bras levé. En effet, en 1934, une délégation du conseil municipal et des Hospices civils de Strasbourg avait effectué un voyage d’étude à Cottbus. Roos, le Dr Oster et les abbés Schies et Zemb en faisaient partie. C’est à la suite d’une soirée bien arrosée chez le maire que Schies, par plaisanterie, endossa l’uniforme de leur hôte suspendu à un porte-manteau. Oster prit une photo pour témoigner de la bonne humeur du moment. Pour les besoins du dossier policier, et vraisemblablement après avoir été falsifiée et retouchée[2], la photo sera présentée comme celle de Karl Roos en uniforme de la SA.

Le 26.10.1939 à 12h30, à l’issue d’une monstrueuse parodie de justice qui avait débuté le 23 octobre, Karl Roos, est condamné à mort. Dès lors, il est entravé jour et nuit par de lourdes chaines aux pieds[3]. Quant à son accusateur Marco, pourtant un espion avéré, il n’est condamné qu’à cinq ans de prison !

Le 9.11.1939, le pourvoi de Karl Roos est rejeté par le tribunal militaire de cassation. Le 6.2.1940, le président Albert Lebrun rejette le recours en grâce présenté par Me Berthon.

 

Son exécution

Le 7.2.1940, le Dr Karl Roos est fusillé par un glacial matin d’hiver lorrain au lieu-dit « La petite Malpierre », près de Champigneulles (54). Quand le procureur Marcy vient le tirer de sa cellule, il clame une dernière fois son innocence : « Je proteste contre ce jugement. Vous savez bien que je ne suis pas un espion ! ». Arrivé sur le lieu du supplice, il dit à l’aumônier : « Je meurs fidèle à ma foi, à ma Heimat et à mes amis ». Puis, on l’oblige à se mettre à genoux dans la neige, les mains entravées dans le dos et attachées au poteau d’exécution, et on lui bande les yeux. Il récite une vieille prière alsacienne : Jesus dir lebe ich, Jesus dir… ! Il n’a pas le temps de continuer. Pour l’achever, on lui tire une dernière balle dans la nuque ! Il est alors 6h58 du matin ! Quant au peloton d’exécution, on avait pris soin en haut lieu, à des fins de propagande, de ne choisir que des soldats alsaciens. Le lendemain, la presse parisienne exultait !

 

Les Nazis récupèrent sa mort à leur profit

Durant l’occupation, les Nazis récupèrent et instrumentalisent sa mort en le faisant passer pour un « combattant de la grande Allemagne ». Dès le 9.8.1940, le Reichsleiter Martin Bormann, depuis Obersalzberg, écrit au Gauleiter Wagner : « Le Führer a exprimé hier dans une conversation, qu’il tenait pour juste que l’Alsacien Roos ne soit plus considéré plus longtemps comme un autonomiste alsacien ; mais, d’après l’avis du Führer, le parti devrait s’accaparer Roos et le présenter comme un combattant de la liberté de la grande Allemagne »[4]. Dès lors, la Gaupropagandaleitung ne le fera plus apparaître que comme un héros allemand. La place Kléber est rebaptisée « Karl Roos-Platz » ; en juin 1941, sa dépouille est transférée dans la Friedensturm de la Hünenburg et déposée dans un sarcophage de grès. 

À la libération, en novembre 1944, le sarcophage est précipité du haut de la tour dans le ravin en contrebas. À ce jour, on ne sait toujours pas ce qu’il est advenu de sa dépouille. Dans le climat de haine qui accompagnait l’épuration, on prit alors prétexte des honneurs dont la propagande nazie avait entouré, à titre posthume, le « martyr de la cause allemande », pour couvrir une nouvelle fois d’opprobre et flétrir durablement son nom et sa mémoire. Ce qui n’a été qu’une manipulation de la Gaupropagandaleitung, sera présenté comme la confirmation des accusations portées contre lui en 1939. En 1946, Camille Wolff, candidat à la députation du Bas-Rhin, ira même jusqu’à se glorifier sur ses affiches électorales d’avoir demandé à intégrer le peloton qui devait exécuter Karl Roos !

 

Pas de preuves de sa culpabilité (B.Vogler)

À présent, des historiens s’accordent à penser que Roos était innocent des accusations portées contre lui. L’historien Lothar Kettenacker, parle de « crime judiciaire » et de « folie politique »[5]. De son côté, l’historien Bernard Vogler affirme que « les Français n’avaient pas la preuve de sa culpabilité »[6].

Curieusement, le dossier de la procédure militaire de Roos a disparu des archives : « Son dossier a été emporté ou détruit lors de l’occupation allemande », écrit l’officier en chef des archives de la Justice militaire[7]. « Si les archives du procès avec les interrogatoires, les rapports de police, voire même la sténographie complète des débats du 23 au 26 octobre 1939, devaient disparaître après 1945, car à cette date, elles existaient encore, on pourrait supposer que c'est à dessein », prévenait déjà dans les années 60 Marcel Stürmel dans son ouvrage en préparation « Zwischen Hammer und Amboss » (consultable aux Archives municipales de Strasbourg ou à la BNU). Parfaitement au fait de l’affaire, il affirme qu’en 1945, les actes du procès étaient encore disponibles[8]. Ils sont d’ailleurs évoqués à plusieurs reprises lors de l’instruction du procès de l’ex-député J.-P. Mourer en 1946/1947, ce qui laisse supposer que les juges d’instruction en avaient alors connaissance. 

On est donc en droit de se poser la question : en l’absence de pièces attestant de sa culpabilité, comment certains journalistes ou historiens peuvent-ils affirmer que Roos était coupable ?

 

Bernard Wittmann   7.2.2020

 

[1] Il communiquait les renseignements glanés au sein de la Landespartei au commissaire Becker (source : Marcel Stürmel, Zwischen Hammer und Amboss, op. cit. II. 40-42, p. 147 à 150).

[2] « On a mis sa tête sur un uniforme », dira Zemb au député Seltz qui en fait état dans son Journal (6.3.1940).

[3] Heinrich Baron, Mit Karl Roos – Die letzten Tage in der Todeszelle, Verlag des Straßburger Monatshefte, 1940, p.44.

[4] Marcel Sturmel, Zwischen Hammer und Amboss – Beiträge zur elsässischen Geschichte von 1939 – 1945, II 42 p.346.

[5] Lothar Kettenacker, Nationalsozialistische Volkstumspolitik im Elsass, Deutsche Verlags-Anstalt Stuttgart, 1973, p.32 : « Es war nicht nur ein Justizverbrechen, sondern darüber hinaus eine große politische Torheit, denn auf diese Weise schuf man einen Märtyrer für das Deutschtum im Elsaß ».

[6] Interview de B. Vogler dans le mensuel Rot un Wiss n°230, février 1997, p.5.

[7] Lettre du 27.8.2003 du Dépôt central d’Archives de la Justice militaire à l’auteur.

[8] Marcel Stürmel, Zwischen Hammer und Amboss – Beiträge zur elsässischen Geschichte von 1939 – 1945, II 28 p.136.

 

A chacun ses Ayatollahs ! 

 

En janvier 2016, la France était scandalisée par le fait que les statues dénudées du musée du Capitole de Rome avaient été dissimulées derrière des paravents pour ne pas heurter le regard du président iranien Hassan Rohani. Les commentateurs français insistèrent pour expliquer qu’en France, on se montre plus intransigeant sur le patrimoine culturel et qu’une telle offense à l’art y aurait été impensable ! Voilà pour le cocorico et l’autosatisfaction !  

Pourtant, en remontant dans l’histoire alsacienne, nous trouvons une anecdote qu’on peut rapprocher de celle du Capitole : il s’agit de la statue dénudée du « Vater Rhein », le « père Rhin », qui se trouvait alors face à l’Opéra, place Broglie à Strassburg. Cette statue en bronze consacrée au « dieu Rhin » et inaugurée en 1902, était l’œuvre du grand sculpteur munichois Adolph von Hildebrand.

Le "Reinhardbrunnen" place Broglie avec la statue du "Vater Rhein" (au fond)

Mais en 1918, quand les Français, ivres de gloire, entrèrent à Strassburg, ils se montrèrent immédiatement irrités par cette statue trop boche à leurs yeux : un artiste allemand et la thématique germanique du « dieu Rhin » sur une place aussi prestigieuse que la place Broglie, étaient insupportables à leurs yeux (comme à ceux des activistes francophiles du Reichsland qui la brocardaient volontiers).

De sorte qu’en décembre 1918, pour ne pas heurter le regard de Poincaré, un authentique ayatollah républicain, venu en visite à Strassburg, le Conseil municipal ordonna à l’architecte en chef, Clément Dauchy, de recouvrir la statue d’une pyramide de planches surmontée d’un immense coq gaulois, le tout abondamment revêtu de draperies tricolores. Ce style pompier marqué du sceau du patriotisme tricolore plaisait aux nouvelles autorités françaises.

Jamais avares de marques de servilité, quelques mois plus tard, nos édiles strasbourgeois ordonnèrent le démontage de la statue et son stockage dans un hangar de l’office de construction.

                                         

                                                                                      In Narrenschiff n°13, 1929.

Finalement, suite à un accord entre Strassburg et München, il fut décidé d’échanger le « Vater Rhein » contre la statue du « Meiselocker » de l’artiste alsacien Ernst Weber qui fut installée en 1929 place St Etienne. De son côté, le « Vater Rhein » était inauguré à Münichen en 1932 : « l'Isar[1] se jette dorénavant dans ...le Rhin et plus du tout dans le Danube, d'où la nécessité d'un « Vater Rhein » à München », ironisait un ami !!! 

Bernard Wittmann (1.2.2016)

[1] L’Isar est un affluent droit du Danube qui traverse München (Munich)