Parution récente :

 

UNE EPURATION ETHNIQUE A LA FRANÇAISE –

Alsace-Moselle 1918-1922.

Auteur Bernard Wittmann ; Editeur : Yoran Embanner 71, Hent Mespiolet 29170 Fouesnant, 222 pages, 13 € franco de port. En vente en librairie ou chez l’éditeur.

 

Il y a environ deux ans, Joseph Schmittbiel me sollicitait pour écrire la préface du livre de Marie Hart « Üs unserer Franzosezit », interdit en France à sa parution en 1921, et que les éditions Yoran Embanner se proposaient d’éditer simultanément en français (traduction J. Schmittbiel) et dans sa version originale en dialecte alsacien. C'est à la lecture de ce témoignage saisissant, battant en brèche la version officielle du retour enthousiaste des Alsaciens à la France en 1918, qu’il m’a semblé indispensable de traiter plus en détail[1] dans un livre ce qui restera pour toujours une « marque d’infamie sur le fronton de la France » (dixit Camille Dahlet), à savoir l'épuration ethnique de 1918-1922, point central de la chronique de Marie Hart (ce qui fait que les deux ouvrages se complètent). En effet, couverte d’une « grande ombre obscure », cette abomination perpétrée chez nous par la France est restée un tabou mémoriel absolu. Or, une vérité historique qui n’est pas clairement établie et étudiée ne peut être mémorisée. C’est que Marianne ne tient pas à garder la mémoire de ses basses œuvres qui feraient tache dans le roman national. Seuls quelques rares auteurs ont récemment osé aborder cet épisode dramatique de notre passé trop longtemps gardée sous le boisseau… et encore que partiellement[2]. Les écuries d’Augias restent à nettoyer.

 

1915 Feldgraue alsaciens - Légende : Die lustigen Elsässer - 1915 

 

La purification ethnique est lancée.

Novembre 1918 : la France reprend possession de l’Alsace… une nouvelle fois sans que la population ait été consultée. Après un demi-siècle d’appartenance à l’Empire allemand - une période faste pour l’Alsace-Lorraine qui avait connu un développement sans précédent et obtenu une constitution propre -, la « normalisation » du pays est à l’ordre du jour (…et le restera jusque dans les années 60).

Aussitôt, les nouvelles autorités marquent la volonté de tourner rapidement la page du Reichsland... où la cohabitation avec les «Vieux-Allemands » s'était jusque-là plutôt bien passée : « Au quotidien, depuis 1870, « l'intégration fonctionnait à plein. Il y avait beaucoup de mariages mixtes, les gens vivaient paisiblement » dans un contexte où « les familles francophiles à Saverne étaient très minoritaires », explique dans les DNA (21.3.2018) Pierre Vonau, archiviste de la Ville de Saverne et auteur, avec l'historien Joël Grandhomme, d'un ouvrage sur « l'Affaire de Saverne » (éd. Paraiges 2018). C'est que les Français veulent en finir une fois pour toutes avec la germanité des Alsaciens et leur « langue boche ». Elles n’ont qu’une obsession : « débochiser » l’Alsace afin qu’elle reste « pure de la souillure germanique », selon le vieux slogan de la Ligue d’Alsace[3]. A Strasbourg, même la Neustadt - classée au patrimoine mondial de l'humanité de l'UNESCO en 2017-, avec son architecture monumentale, ses grandes avenues et ses immeubles cossus formant un ensemble architectural unique, est vue par les Français comme une horreur architecturale germanique (alors que le baron Haussmann s’en était pourtant inspiré pour Paris).  

Les Vieux-Allemands, venus dans le pays après 1872, sont immédiatement dans la ligne de mire des nouvelles autorités d’occupation françaises alors que le traité de paix n’est pas encore signé. Pourtant, après un demi-siècle de présence dans le pays, la plupart d’entre eux s’étaient entièrement identifiés à l’Alsace - leur nouvelle « Heimat » - dont ils avaient souvent adopté la langue et épousé les filles. Ainsi, le mari de Marie Hart, Alfred Kurr, était Allemand (pour Albert Schweitzer, c’est l’épouse qui était allemande). 

Aussi, dès leur entrée dans le pays les autorités militaires françaises vont-elles dresser des listes interminables d’« Indésirables », Alt-Deutschen et Alsaciens germanophiles qualifiés de « bochophiles », à expulser. Pour ce faire, elles s’appuient sur la délation, qui est encouragée, ainsi que sur les anciennes fiches domiciliaires laissées par les Allemands qui mentionnent les noms, professions, lieux de naissance et adresses successives de tous les habitants. Simultanément un filet d’indicateurs est mis en place à travers le pays ; la population est fliquée pour débusquer « suspects » et « bochophiles ». De son côté, la presse francophile lance sans cesse de véritables appels à l’épuration et à la haine : « On a trop tardé à nettoyer le pays de cette vermine », écrira Le Rhin Français[4] de l’abbé Wetterlé à la date 13 août 1919.

 

Expulsion en masse des Allemands

Dès novembre 1918, une véritable « chasse à courre » (dixit le juriste R. Redslob) est organisée à travers tout l’ex-Reichsland où vivaient 310 000 Allemands en 1914, dont 137 000 rien qu’en Alsace. Traquer le Boche devient l’activité première des autorités et des « patriotes » alsaciens. Même d'éminents personnages comme Paul Appel, membre de l'Institut, chargé en décembre 1918 par le ministre de l'Instruction publique d'un rapport sur l'Université de Strasbourg, s'adonnent à ce jeu délétère : «J'écrivis au préfet pour lui demander une enquête (sur un commerçant allemand que la rumeur accusait d'avoir pavoisé aux victoires allemandes). L'enquête confirma les faits et l'Allemand disparut » écrit-il triomphant (Souvenir d'un Alsacien 1858-1922 éd. Payot 1923, pp.304/305).  Partout les Vieux-Allemands, accusés de tous les maux, voire malmenés dans la rue, en sont réduits à raser les murs et à se terrer. Leurs magasins sont pillés et les vitrines, affublées de l’écriteau « Maison de sale Boche », sont caillassées. 

Affichette collée sur les vitrines des magasins des commerçants allemands (Bibliothèque des Dominicains Colmar)

 

Par familles entières, à pieds traînant leurs valises par un froid hivernal, en colonnes, encadrés par des soldats, en camions militaires ou par trains entiers (à partir du 15 janvier), c’est par dizaines de milliers qu’on les expulse sans aucune considération humanitaire, ni le moindre respect pour leur dignité. Ils ne peuvent emporter que 30 à 40kg de bagages et 2000 marks en billets. Leurs biens et toutes leurs économies sont saisis. La grande majorité des Alsaciens réprouve ces méthodes ; des lettres de protestation sont envoyées aux autorités. 

Expulsion d'Allemands à Colmar    -  (déc. 1918 - Bibliothèque des Dominicains Colmar)

 

Les premiers mois, c’est l’armée qui est à la manœuvre épaulée par des « comités » d’épuration sauvages formés de « revenants » et de patriotes qui chauffent l’opinion, et souvent, pratiquent leur propre épuration. Par la suite, les autorités civiles, toujours noyautées par les militaires, prendront le relais. Après une période marquée par une certaine anarchie où l’on reconduit à la frontière à tout va sans trop s’embarrasser de procédures, les expulsions sont plus réglementées et, théoriquement, encadrées par les Commissaires de la République. 

Après la délivrance d’un « ordre d’expulsion » (Befehl), on n’accorde généralement aux « Indésirables » que 24h[5] pour faire leurs bagages, saluer leurs amis alsaciens et lorrains et se rendre sur le lieu de rassemblement qui leur est assigné pour le départ. Ce bref délai rend impossible, et ce à dessein, toute vente de mobilier qui, laissé sur place, est ensuite pillé ou revendu.

Pendant près de 11 mois, les trains des « Indésirables » transitant par la gare de Strasbourg-Neudorf se succéderont au rythme de 2 à 4 convois hebdomadaires. Et pour comble, les expulsés sont contraints de payer leur voyage ainsi que le transport de leurs bagages (jusqu’à Kehl en francs, puis, jusqu’à Offenburg, en marks). Avant leur départ, ils doivent également justifier du règlement de tous leurs impôts et taxes. Parfois les expulsés sont regroupés selon les professions : trains des universitaires, des enseignants, des cheminots, des mineurs, etc. 

Ordre d'expulsion ou "Befehl" établi en allemand par les autorités françaises (oct. 1919).

 

Pour justifier l’éradication de cette importante partie de la population[6] qui vivait jusque-là en bonne entente avec les Alsaciens, jusqu’à fusionner avec eux - à Strasbourg, en 1914, les mariages mixtes représentent près du quart des mariages -, on invoque « la sûreté publique »… comme s’il s’agissait de délinquants ! 

En parcourant les documents et les dossiers d’archives officielles, on est stupéfait par l'ampleur des expulsions, leur caractère systématique et planifié. Mais ce qui choque en premier, ce sont les méthodes brutales employées à l’encontre d’une partie de la population en raison de ses origines ethniques ou, pour les germanophiles alsaciens, de leur attachement à la germanité du pays. 130 000 Allemands, dont la plupart étaient nés en Alsace-Moselle ou y avaient vécu toute leur vie, furent alors expulsés dans des conditions humiliantes vers l’Allemagne, un pays alors en plein chaos où ils n’avaient pas ou plus d’attaches. La France, en pratiquant ce nettoyage ethnique, indigne d’une démocratie, bafouait alors en Alsace-Moselle toutes les valeurs, dont le droit du sol, qui étaient pourtant censées la fonder. Seuls 18% des Allemands présents dans le pays en 1914 échappèrent à l’expulsion. Une bien curieuse « libération » qui commence par des expulsions et des internements de dizaines de milliers de personnes.

 

Pont de Kehl : Expulsion d'"Indésirables" de Lorraine   -  (carte postale sept. 1920) 

 

Cartes d’identités ethniques : un système d’appartheid

Dès leur entrée dans le pays, les autorités françaises mettent en place des mesures pour faciliter l’épuration des Vieux-Allemands. Parmi celles-ci, la plus ignoble est probablement l’attribution de cartes d’identités ethniques répartissant la population en quatre catégories A-B-C-D…. une première en Europe. En simplifiant : : Alsaciens de souche qualifiés de « simples boches » (par opposition aux Allemands qualifiés de « doubles boches ») ; B : ceux dont le père ou la mère avaient la carte A et dont l’autre ascendant était Allemand ; C : ceux dont le père et la mère étaient nés dans un pays allié ou neutre ; D : Allemands (ou Autrichiens) immigrés après 1870 ainsi que leurs descendants, tous étant voués à l’expulsion. 

Cartes d'identité ethniques modèles A, B, C, D.

 

Ces cartes sélectives, dont l'établissement revient aux mairies, sont officiellement instaurées par un arrêté ministériel le 14 décembre 1918. Cette classification fondée sur la naissance instaure un véritable système de discrimination, les droits reconnus à chacune des catégories étant différents. Ce triage des populations génère des situations inextricables, parfois véritablement ubuesques, notamment dans les grandes villes du fait de l’importante mixité. Ainsi, au sein des familles « mixtes » établit-on une discrimination interne, tous les membres n’ayant pas les mêmes droits : ces familles se retrouvent éclatées. En effet, si le père avait la carte D, il était expulsé avec ses enfants mineurs[7], qui recevaient automatiquement sa nationalité, tandis que la mère, si elle avait la carte A, pouvait rester en Alsace (les autres enfants majeurs, dotés de la carte B, pouvaient formuler une demande de naturalisation). Pour dénouer les problèmes, on va inciter à la séparation les couples « mixtes » A-D en facilitant leur divorce. 

Le classement des Alsaciens-Lorrains en quatre catégories se déroulera sur deux mois, de décembre 1918 à janvier 1919. Il contraindra les Alsaciens de souche à effectuer des démarches généalogiques fastidieuses et parfois compliquées, souvent vexatoires. Quant aux employés des mairies, ils seront contraints de se plonger dans les registres pour valider la généalogie des uns et des autres, pères, grands-pères, arrière-grands-pères, nécessaire à l’établissement des cartes.

 

Commissions de triages pour les Alsaciens-Lorrains de souche

Les Commissions de triage sont établies dès le 2 novembre 1918 en plein délire d’une victoire assurée. Ces tribunaux, sorte de « Haute Cour de justice en patriotisme » (dixit R. Redslob), ont pour mission d’épurer le pays des Alsaciens-Lorrains de souche considérés comme germanophiles. Ils sont ainsi chargés de débusquer et de châtier les Alsaciens dont le patriotisme est sujet à caution. A cette fin, les parcours politiques et professionnels, en particulier ceux des fonctionnaires, sont passés à la loupe. L’éminent juriste Robert Redslob n’aura de cesse de dénoncer la « conception antijuridique » de ces tribunaux : « Faire rendre compte à des Alsaciens, devant la barre d’une espèce de tribunal, de l’attitude qu’ils avaient eue pour le régime constitutionnellement établi et basé sur un traité en règle (traité de Frankfurt), je dois avouer en toute humilité que je n’ai rien compris à cette procédure (…) Sait-on le mal que cette institution a fait chez nous ? », écrit-il en avril 1929 dans Le Temps.

 

 1/ Couverture d'un dossier contenant les sanctions à prendre "contre des alsaciens-lorrains et allemands en vue de leurs sentiments antifrançais" (ADBR-Fonds Commissariat général de la République - cote 121AL968-971)  -  2/ Couverture d'un épais dossier concernant les "fonctionnaires alsaciens germanophiles" (ADBR-Fonds Commissariat général de la République - cote 157AL94)

 

Ces commissions, au nombre de plusieurs douzaines en Alsace, vont ainsi traiter des dizaines de milliers de dossiers de « suspects » et de « bochophiles ». Les sanctions proposées à l’approbation des commissaires de la République sont lourdes : l’expulsion en Allemagne, environ 30% des cas traités, l’internement, la révocation (pour les fonctionnaires) ou l’exil Outre-Vosges. Les élites sont tout particulièrement dans le collimateur de ces Commissions : intellectuels, artistes, érudits et écrivains d’expression allemande, anciens fonctionnaires, personnalités politiques du Reichsland, etc. Des milliers d’Alsaciens-Lorrains de souche taxés de germanophiles sont ainsi condamnés à l’expulsion. Un drapeau tricolore absent sur la façade, l’emploi trop ostensible du Hochdeutsch, avoir souscrit aux emprunts de guerre en faveur du Reich, une parole critique à l’égard des autorités françaises ou jugée trop élogieuse à l’égard de l’Allemagne, un manque d’empressement pour chanter la Marseillaise ou la critique d’un héros du roman national… tout peut être interprété comme un acte de germanophilie et conduire un Alsacien devant une Commission de triage qui peut décider de son expulsion en Allemagne ou à l’Intérieur et du séquestre de ses biens. 

A maintes reprises, Robert Redslob dénonça ce « simulacre d’un tribunal ». En effet, les juges n’avaient aucune qualification requise pour cette tâche, n’étaient ni assermentés, ni responsables de leur jugement. Les témoins ne prêtaient pas serment, n’encouraient aucune responsabilité légale et témoignaient en l’absence des « accusés ». Quant aux « accusés », ils ne pouvaient pas prendre connaissance du dossier et n’avaient pas droit à un défenseur. Enfin, le tribunal jugeait sans appel et sans être obligé de donner les attendus de son jugement. 

De plus, ces tribunaux étaient parfaitement illégaux au regard du droit international, puisque les Alsaciens étaient restés juridiquement des sujets allemands jusqu’à la signature du traité de Versailles, le 28 juin 1919, voire jusqu’à sa ratification survenue seulement en janvier 1920[8].

Ces « immondes tribunaux » (dixit Camille Dahlet) ne seront supprimés officiellement que le 27 octobre 1919.

En Allemagne, les expulsés alsaciens-lorrains se regrouperont en associations d'entraide, au sein desquelles ils continueront à cultiver l'amour et la nostalgie de leur Heimat interdite et le Heimweh les tenaillera pendants des années. Ils essaimeront dans toutes les régions d'Allemagne avec toutefois une prédilection pour le Pays de Bade et le Palatinat. Ainsi la ville de Freiburg  accueillera dans ses murs 4 000 expulsés alsaciens-lorrains qui finirent par s'y fixer.

Légende : 8.12.1918 - Bureau d'aide aux expulsés "Alsaciens-Allemands" à Freiburg - Musée de Lörrach 

 

 

Diplôme de reconnaissance attribué à tous ceux qui soutenaient les expulsés alsaciens-mosellans alors plongés dans une profonde détresse morale et financière.

 Quête en faveur des expulsés alsaciens-mosellans 

15.5.1919 : Grande manifestation à Berlin contre l'expulsion - Ici une partie de la délégation alsacienne-lorraine (l'orateur semble être Rudolf Schwander, l'ancien maire de Strassburg)  

 

D'autres choisirent le nord de l'Allemagne. Ainsi, quelques milliers d'expulsés alsaciens-lorrains furent-ils logés à Wünsdorf, Landkreis Teltow-Fläming (dans le Brandebourg à une heure de Berlin) dans un ancien camp militaire datant du Kaiserreich transformé en centre d'accueil. Nombre d'entre eux finirent par s'installer définitivement à Wünsdorf (*) ou dans les environs.

(*) Durant la guerre, 16 000 prisonniers de guerre musulmans (Indous, Nord-Africains, Egyptiens, Afghans, Palestiniens, Tatares… qui combattaient pour les puissances coloniales anglaise, française et russe avaient été enfermés dans ce camp. Ils devaient y être radicalisés afin de les renvoyer faire le « Djihad » pour libérer le Moyen-Orient des puissances coloniales en se rangeant du côté de l’empire ottoman ! C’est à Wünsdorf que fut inaugurée le 13.7.1915 la première mosquée construite sur le sol allemand. (source : Die Zeit du 27.10.2016)

 

 

Les dirigeants du mouvement neutraliste alsacien Koessler et Loegel (ici menottés) sont arrêtés en octobre 1919 pour complot et atteinte à la sûreté de l'Etat.

 

L’élite germanophone décapitée

Pour l’Alsace, ces expulsions de masse furent calamiteuses. L’élite germanophone, formée à l’école allemande du Reichsland et qui devait conduire le pays vers l’autonomie, fut décapitée. De plus, l’atmosphère de haine ethnique ruina la cohésion du tissu social alsacien : elle attisa l’opposition entre « francophiles » et « germanophiles » attachés à la germanité du pays et aux particularismes alsaciens.

Une grande partie de l’élite alsacienne, indignée par la « chasse aux sorcières » orchestrée par les autorités, l’ostracisation de la culture allemande et les brimades d’un système colonial de domination culturelle, choisira de quitter le pays de son propre chef. D’après l’historien François Waag, ils furent ainsi plus de 30 000 à émigrer plus ou moins volontairement. Le départ de toutes ces élites, un capital inestimable en forces vives, bouleversa entièrement les données politiques et culturelles alsaciennes.

La langue et la culture allemandes du pays, qui avaient retrouvé leur éclat d’antan sous le Reichsland, s’en trouvèrent anémiées. La culture allemande du pays ne se remettra jamais de cette saignée culturelle à laquelle elle fut alors soumise. 

Les haines racistes instillées au sein de la société alsacienne mettront des années à s’estomper. L’épuration ethnique de 1918 à 1922, constitue ainsi une des pages les plus sombres de l’histoire alsacienne, une page qui n’honore guère la France autoproclamée « pays des droits de l’homme » ! Des « droits de l’homme » qui ont trop souvent servi de subtils paravents à ses pires exactions chez nous et ailleurs !

 

L’auteur : Bernard Wittmann

 

 Carte postale satirique sur l'expulsion des Allemands en 1918 et l'attitude hypocrite des Strasbourgeois retournant faire de bonnes affaires à Kehl dès 1921 (dessin paru dans le journal des communistes alsaciens "Die Neue Welt" -Archives de la ville et de l'Eurométropole de Strasbourg, 301 Fi 2016)

 

 

Colloque Unsri Gschicht du 10.11.2018 : L'épuration ethnique en Alsace-Moselle de 1918 à 1922 - Intervention Bernard Wittmann (texte lu à La tribune par Germain Zimmerlé)  https://www.youtube.com/watch?v=9zb3Y-gfUdM



[1] J’avais déjà consacré un chapitre à l’épuration ethnique de 1918/1922 dans mon Histoire de l’Alsace autrement parue en 1999.

[2] A l’exception de l’historien François Uberfill qui a consacré toute une partie de son ouvrage titré « La société strasbourgeoise entre France et Allemagne » (éd. par la Société Savante d’Alsace, 2001), à cet épisode tragique de notre histoire. Citons également l’ouvrage de Pascale Hugues, Marthe et Mathilde, (éd. Les Arènes, 2009) qui raconte avec talent et finesse le parcours douloureux d’une famille d’« Indésirables » de Colmar.

[3] La Ligue d’Alsace 1871-1872, édit. Lemerre, Paris 1873, p.205.

[4] Journal que l’abbé Wetterlé fonda en 1918.

[5] Durant l’année 1919, ce délai sera porté à 3 jours, jusqu’à 5 vers la fin.

[6] Entre nov. 1918 et fin 1921, env. 30 000 Allemands sont expulsés de Strasbourg qui, en 1910, en comptait au total 61 000 (nombre d’Allemands ont anticipé leur expulsion).

[7] Aux termes du traité de Versailles, ratifié seulement en 1920, et après la publication des décrets d’application, les conjoints de couples mixtes (cartes A-D) porteurs de la carte D pourront obtenir la nationalité française, à condition toutefois d’en formuler la demande... qui pouvait être refusée. On les appellera les « Wilsonniens », cette mesure étant due aux pressions que l’Américain Wilson exerça sur les Français.

[8] Le Congrès américain refusa toujours de ratifier le traité de Versailles - rédigé uniquement en anglais et en français pour humilier les Allemands - dont les conditions imposées par la France étaient jugées trop dures (le Congrès américain a refusé définitivement le traité de Versailles le 19.3.1920).

 

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CRITIQUE DU LIVRE PARUE DANS LES DNA - 10.10.2016 (JACQUES FORTIER)

 

. Critique du livre en allemand dans la Badische Heimat (avril 2020)

https://badische-heimat.de/wp-content/uploads/2020/04/Eine-ethnische-Säuberung-à-la-francaise-1.pdf