Faire le choix de la démocratie 

Par un diktat parisien ignorant la volonté des populations concernées, depuis janvier 2015, l’Alsace, vieille terre d’histoire, de culture, de travail et de richesse, n’a plus d’existence administrative. Jusque-là, Paris n’avait pas osé toucher à ses délimitations territoriales. C’est à présent chose faite : elles n’existent tout simplement plus !

Par le fait du prince, l’Alsace est à présent privée de vie institutionnelle et son peuple, dont l’identité a été forgée par mille ans d’histoire, est condamné à l’inexistence : « L’Alsace n’existe plus », a affirmé goguenard le président Hollande ! Notons que nos jacobins de Paris se sont bien gardés de toucher à la Bretagne ou à la Corse dont ils savent que les élus ont du répondant. Mais avec Philippe Richert à la tête de la région Alsace, c’était une partie gagnée d’avance… et ils n’étaient pas sans l’ignorer !

Depuis, Paris reste sourd aux complaintes des Alsaciens dont l’écrasante majorité refuse, encore et toujours, d’intégrer ce Grand-Est honni, cette construction technocratique sans identité. Et la pitoyable tentative de créer une nouvelle identité « grand-estienne », totalement hors-sol et à grands coups de budgets de communication ou de logos ridicules, n’est en définitive qu’une avanie supplémentaire qu’on nous fait. Cette politique « punitive » est évidemment un camouflet de plus adressé à l’Alsace.

D’ailleurs, l’obstination française à vouloir nous effacer de la carte des peuples a quelque chose de sidérant. Depuis la conquête de l’Alsace par Louis XIV et sa politique de la terre brûlée, inlassablement Paris est revenu à la charge en variant le choix des méthodes d’attaques, main de velours alternant avec une main de fer, pour nous infliger mille vexations, mille affronts. Ainsi, après nous avoir sacrifié au traité de Francfort pour se sauver, en 1918, alors que les Alsaciens attendaient de la France une politique de respect, en retour, ils n’eurent droit qu’à un traitement proche de celui que la République appliquait alors à ses colonies lointaines.

Notons que jamais la France ne nous a demandé notre avis sur les politiques qu’elle mettait en œuvre chez nous, à commencer par la politique d’assimilation dont on sait qu’elle conduit irrémédiablement à une servitude morale. 

Une démocratie en trompe l’oeil

De plus en plus d’Alsaciens rejettent cette démocratie à la française qui ignore le principe de subsidiarité garantissant le partage équitable du pouvoir, la concertation, le dialogue et l’esprit de tolérance dès lors qu’il s’agit des peuples minoritaires du pays. En France, les pouvoirs n’ont invariablement qu’une seule adresse : Paris !!

Et qu’est-ce donc que cette singulière démocratie qui ignore les référendums d’initiative populaire, où un Premier ministre peut imposer des lois contre l’avis de la majorité en passant en force par le 49-3 et où le Président peut décider à lui seul d’une guerre, sans en référer au Parlement, ou encore d’appuyer sur le bouton nucléaire. Où est alors la souveraineté du peuple qui doit décider de tout en dernier ressort ? Le suffrage universel ne suffit pas à lui seul pour faire une démocratie… surtout quand il ignore la proportionnelle. Non, à bien y regarder, la France n’est qu’une oligarchie ploutocratique confortée par un système de castes.

Il n’y a pas que la dette qui est abyssale en France, il y a aussi le déficit démocratique ! 

A présent, nombreux sont ceux en Alsace qui rejettent ce système anti-démocratique qui phagocyte le pays tout en nous imposant l’idée de la supériorité d'une culture et d’une langue sur une autre et nous dénie jusqu’au droit d’exprimer ce que nous sommes : un peuple ! « Il n’y a pas de peuple alsacien », s’est exclamé Manuel Valls à l’Assemblée !! Ces Alsaciens conscients récusent cette idéologie nationale nous condamnant à l’effacement. Ils refusent d’abdiquer notre particularisme et pensent qu’il est du devoir absolu de la conscience humaine de dénoncer ce système politique français qui, au nom d’un dogme absurde « un peuple, un pays, une langue », vise à faire disparaître des langues et des cultures originales parties intégrantes d’un patrimoine commun.

L’intolérance du régime français envers notre langue se manifeste de mille façons dont le refus de ratifier la charte des langues et les procédés vexatoires sont sans doute les plus méprisables. Paris veut ignorer que c’est nous faire violence que de nous arracher notre langue maternelle pour nous imposer le français unique, nos sentiments en sont évidemment blessés ! En s’en prenant ainsi à nos langues, Marianne persécute l’esprit et offre l’image hideuse d’une marâtre ! De plus, elle nous impose une régression car le progrès humain vient toujours de la coexistence des cultures et des langues : l’uniformisation linguistique et culturelle conduit inévitablement à un appauvrissement.

Une politique d’Etat inacceptable

On ne le répétera jamais assez, cette politique française qui vise notre anéantissement en tant que peuple original n’est tout simplement pas acceptable car elle est contraire aux valeurs démocratiques. Contraire également aux textes internationaux protégeant les droits des minorités. D'ailleurs, comment peut-on accepter une politique d’Etat dont la suprême ambition est de ravaler toute la population du pays au rang d’un troupeau de clones ?

Un nombre grandissant d’Alsaciens ne veulent plus subir le joug de ce système pernicieux d’assujettissement qui inculque l’esprit de soumission au dogme de l’égalité, version jacobine, et qui spolie les peuples minoritaires de l’Hexagone de leurs droits à l’existence et à l’autogouvernance. Un système où la loi du plus grand nombre qui fonde la démocratie est utilisée comme un instrument de domination des minorités par les jacobins qui ont fait leur la maxime : « La force (du plus grand nombre) prime le droit » ! Ils refusent cette idéologie qui considère leurs aspirations normales et légitimes à l’autonomie comme une atteinte à l’esprit national français… dont la norme imposée à tous est dictée par Paris. Car enfin, qu’y a-t-il donc de si répréhensible à vouloir gérer les affaires de son pays de manière autonome ? Ailleurs, on alloue même des « aides à l’autonomie » à nos anciens !

On peut d’ailleurs noter que dans le système français, le « pacte républicain », théoriquement défini par la volonté de vivre ensemble, est rompu puisque les composantes allogènes n’ont pas droit à l’expression en tant que telles. Et pourtant, ne sommes-nous pas une composante du pacte républicain ? Et que devient le libre-arbitre de chacun d’y adhérer ou non ?

S’unir et entrer en dissidence

Il est de ce fait grand temps d’appeler les Alsaciens à se dresser et à s’unir pour réclamer le droit à la parole, à l’égalité, à la liberté et au respect des valeurs qui fondent la démocratie… mais que galvaude notre République jacobine. Mais il est à présent clair que jamais la France ne pourra réaliser l’idéal de justice et d’équité dont rêvent les autonomistes. Aussi, les plus responsables d’entre eux doivent-ils en appeler à la révolte de l’esprit, au sentiment de l’honneur des Alsaciens, à leur sens de la dignité, à leur esprit de justice. Comme au temps du Reichsland, le peuple alsacien doit retrouver la vraie conscience de son existence nationale. Il est urgent que les Alsaciens brisent les chaînes mentales qui les entravent dans leur tête et rompent avec leur docilité en choisissant les voies de l’émancipation. 

Ce qui oppose aujourd’hui nombre d’Alsaciens, notamment dans les rangs autonomistes, à la France est d’abord l’idée qu’ils se font de la démocratie et les valeurs qui la fondent… et qui font défaut au système français. Ce qu’ils veulent, c’est une démocratie participative instaurant un système respectueux de tous, permettant une plus grande implication du peuple dans la vie politique et imprégné de l’esprit libéral et égalitaire qui caractérise les Alsaciens. Ce qu’ils exigent, c’est plus de liberté, plus de responsabilisation, plus de respect, d’écoute et surtout une garantie pérenne pour plus de droits démocratiques… que seuls une constitution propre peut leur assurer. A défaut, ils réclament la possibilité de rompre le pacte républicain, de prendre la sortie et de quitter la « maison France » pour aller construire leur propre maison plus respectueuse de leurs droits inaliénables et universels.

Bernard Wittmann – 11.9.2016